Angers en Lévitation

Je parle rarement des concerts que je vois. Jamais en fait, et pour la raison bien simple qu'en tant que lecteur, rien ne m'emmerde plus que de lire la chronique d'un concert où je ne suis pas allé... et quand j'y suis allé il est encore plus agaçant de lire l'avis de quelqu'un d'autre, surtout s'il n'a pas la même opinion que la mienne (j'ai forcément toujours raison). Et aussi parce que je fais toujours primer une chronique de l'objet disque qui, lui, restera tel qu'il est... alors qu'un mauvais concert, ça arrive même aux meilleurs et qu'il serait donc erroné de se faire une idée là-dessus. 

Bref. Ayant pris mon courage et mon volant à deux mains pour faire l'aller-retour à Angers ce dimanche 28 mai afin d'assister à la deuxième journée du festival Lévitation France qui fêtait ses dix ans, il m'est vite apparu évident dès sa fin qu'il fallait parler des groupes que j'y avais vus. Pas pour juger de leur prestation, même s'il est évident qu'elle participe à l'histoire d'un groupe (mais seulement à un moment T), mais plutôt pour ne pas oublier ces noms pour la plupart inconnus "sauf des gens super branchés qui passent leur temps à chercher des nouveaux groupes sur Internet".


Allons-y dans l'ordre, ça sera plus simple :

1/ Bermud, ou Ber|Mud en deux mots, on sait pas trop. 

C'était le seul groupe angevin du lot. "Angers, Rock City", on n'y échappe pas quand on y vit, moins si on n'y a jamais mis les pieds : il y règne une très forte émulation où les groupes se croisent, se font et se défont. Tout le monde se connaît et surtout, tout ça foisonne de talents fous. Bermud vient de sortir son premier album, et les amateurs de shoegaze à l'ancienne seront ravis, les membres du groupe ont bien digéré leurs influences et ils ont bien compris le feeling : ça passe crème et on goûte son plaisir. Ok, le chanteur ne regarde pas trop ses chaussures comme c'était le cas pour tous les groupes qui faisaient ce genre de musique, car il est plutôt expansif, limite frimeur, mais la musique est là. Une ouverture tôt dans l'après-midi avec un public encore clairsemé, mais un très agréable moment et un album que je vous conseille.


(la vidéo n'est pas de moi)


2/ Sylvie

Bon. Rappelons que ce festival est, au départ, axé sur les musiques psychédéliques, même si l'on y retrouve pas mal d'artistes post-punk ou autres. Et qui dit psychédélisme dit années 70, et qui dit années 70 dit aussi folk californien mâtiné de country américaine, ce qui était le cas ici. Je n'ai pas l'esprit assez ouvert, je l'avoue, je trouve même ça carrément horrible à entendre, malgré toute la sympathie que je peux accorder aux musiciens. Passons donc au suivant et buvons une bière.


3/ Triptides

Au départ, j'ai un peu peur que ça soit comme le groupe d'avant. Mais quand même, les mecs ont fait onze albums depuis 2011, ça mérite de les écouter avec attention, et à ma propre surprise générale j'ai pris un vrai plaisir à les écouter. De quoi s'agit-il ? D'un bond dans le temps il y a 50 ans, c'est tout et rien de plus. Les mecs sont habillés et coiffés comme en 1970, et leur musique, extatique et ensoleillée, fonce tête baissée dans une sorte de Air beaucoup plus péchu et allumé, ça lorgne beaucoup vers Pink Floyd, parfois un peu sur Led Zep, avec quand même quelques zestes de neo-psychédelia à la Inspiral Carpets du début des 90's. Les mecs prennent un vrai plaisir à jouer, leurs looks et attitudes sont parfaits, leur rock n'est ni mièvre ni ennuyeux, bref tout ça donne envie de se plonger dans les Byrds, Pink Floyd et consorts, voir même les premiers albums d'Elton John... Une anomalie dans mes goûts musicaux certes, mais il n'y a que les cons qui n'évoluent pas.


4/ Tramhaus

Confidence pour confidence, c'est pour eux que j'étais venu. Une vraie claque dans la gueule quand je les ai découverts il y a seulement deux mois, ces Hollandais n'ont fait qu'une dizaine de morceaux répartis sur trois EP, mais quelle puissance, quelle émotion ! Il s'agit ici de post-punk avec un petit fond de krautrock dirons-nous, une musique rageuse et hypnotique, un chant hargneux et désabusé, des ambiances tendues plus punks sur scène que sur disque, avec une présence scénique époustouflante. Jim Luijten, le chanteur, va devenir une star malgré sa coupe mulet, sa moustache et son anneau dans le nez, il a tout pour grâce à un charisme fou et la sympathie immédiate qu'il dégage. Les autres ne sont pas en reste avec un guitariste en transes perdu dans son monde, souvent les yeux fermés, les deux filles et leur petit gabarit complètement possédées par leur musique et pas du tout en retrait comme c'est souvent le cas pour les groupes où ce sont les mecs qui prennent le devant de la scène, et enfin le batteur... ben il est batteur quoi, il tape et il tape comme un dingue. J'avais prévenu les p'tites jeunes qui m'accompagnaient (non je ne suis pas un vieux satire) : "ça va être le meilleur concert, vous allez voir". Bingo, elles étaient conquises (et moi soulagé de ne pas passer pour un vieux con).

Ces  vidéos ne sont pas de moi non plus


5/ Acid Dad

Acid Dad, tout comme Bermud, s'inspire plus que jamais du revival psychédélique du début des années 90, né au milieu des années 80 avec des groupes comme Spacemen 3 et Loop. Un pied dans la shoegaze comme leur dernier single sorti récemment (le bien nommé "1993", excellent) et un autre dans un psychédélisme moins évaporé, plus dur et plus sombre, qui a pu être produit par des groupes comme  Sun Dial et tous les dérivés des Spacemen 3 et Loop, à savoir des grosses guitares électriques limite noise. Malheureusement, lors d'un festival qui débute à 16h30 et qui se finit à 1h du matin avec des groupes qui s'enchaînent sans temps mort les uns après les autres, il faut bien trouver un moment pour aller acheter une pinte de bière à 8€, une fougasse vegan au même prix, et satisfaire les besoins naturels (ça c'est gratuit). Ce sera pendant Acid Dad, mais je le jure, les trois morceaux auxquels j'ai assisté étaient top. Un groupe à découvrir ayant déjà deux albums à leur actif, donc la pochette de l'un est limite plagiée sur le fameux "Lazer Guided Melodies" de Spiritualized en 1992...


6/ Clamm

Les Australiens de Clamm, j'aimais déjà bien leurs deux albums, avec leur espèce de punk froid aux limites de la noise, tout en cris et tensions, mais je n'imaginais pas l'hyper violence qui se dégagerait sur scène, un maëlstrom de bruit et de rage extrême, avec un chanteur crâne rasé qui m'a fait penser aux hooligans et skinheads des années 80, le genre de mec que tu n'as pas envie de croiser dans la rue seul la nuit. Un show sidérant malheureusement un peu noyé dans la répétitivité avec un moment où l'on se dit que les morceaux sont tous pareils, mais cela reste néanmoins un vrai plaisir animal à regarder (et pour certains à pogoter violemment, mais j'ai passé l'âge).


(puisque je vous dis que ce ne sont pas mes vidéos)


8/ L.A. Witch

Grosse déception, les L.A. Witch. Pourtant leur rock psyché garage blues, leur look tout en bas résilles et tenues en cuir noir tendance gothique, un peu désuet mais concept, avait de quoi charmer. Mais tout le début du set s'avère être du folk, certes d'outre-tombe, vite chiant. On en profite pour aller racheter des boissons revigorantes avec alcool et on rate, comme je l'ai vu sur Instagram tout à l'heure, la venue de Zia McCabe des Dandy Warhols, elle aussi tout en cuir et résille (à 50 ans, elle se pose là en MILF qui attire les jeunes), et on entend de loin les derniers titres qui rappellent pourquoi on a bien aimé ce trio californien sur l'avant-dernier ou l'antépénultième album...


7/ Porridge Radio

Porridge Radio, c'est le groupe de Dana Margoli, une anglaise de Brighton absolument craquante. C'est un moment "charmant", comme on en discute entre voisins du public, tous séduits par son énergie (elle remue beaucoup), son puissant coffre de voix, et surtout cette voix qui se brise régulièrement et qui déchire nos petits cœurs avec ses chansons d'amour impossible (le frisson quand elle répète "I don't wanna be loved" - ça donne l'envie contraire). Un moment indie-pop sans violence, très beau et une vraie poésie écorchée comme on en croise relativement peu souvent.

(NON PLUS)


9/ The Dandy Warhols

C'étaient bien évidemment les stars de la soirée. Pour les avoir déjà vus deux fois, je savais un peu à quoi m'attendre. Mais il est clair que le choc du premier concert il y a dix ans ne se renouvellera plus. Certes, ce concert était bien mieux réussi que celui de Paris il y a tout juste un an, mais j'ai senti deux choses : le désir de se concentrer sur les morceaux les plus psychédéliques, répétitifs et envoûtants, dans lesquels ils excellent, au détriment des tubes, enchaînés à la fin du concert, comme pour dire, "ok vous les voulez, on vous les joue tous quand même" ; et l'état physique de Courtney Taylor, qui a perdu toute son énergie. Il bouge un peu, à peine, saute à la fin du morceau comme pour dire "voici un peu d'attitude rock", mais il n'est pas showman du tout, et très en retrait de Zia McCabe, la véritable star qui anime tout le groupe et lui donne son énergie en remuant constamment, et souvent de façon ultra-sexy et lascive. Et pour appuyer cette impression, ajoutons qu'on voit à peine les membres du groupe durant tout le set, fondus dans les lumières et transformés en ombres (le refus de montrer leur âge ?). Au final un bon concert, mais pas à la hauteur de ce que l'on peut attendre de ce groupe qui fut le plus cool et le plus enthousiasmant de la terre à un moment donné.

("ze" tube, qui réveille tout le monde - mais pas ma vidéo)

10/ Madmadmad

Avis à tous ceux qui sont partis après les Dandy Warhols : vous avez raté un truc.  Ils sont trois : un batteur (un vrai batteur, surélevé sur scène par rapport aux autres), et deux... DJ's ? Ou plutôt manipulateurs de sons en tout genre, samples et bidouillages en direct, électronique à tous les étages, sans doute une grosse part d'impro aussi, en un show stupéfiant et sidérant pour une musique que vous n'avez jamais entendue de votre vie. On pense à du Art Of Noise pour les sons et samples bizarres, mixé dans du Daft Punk pour la basse groovy très funk (parfois interrompue par une grosse guitare électrique qui balance un riff punk), teinté de Meat Bat Manifesto pour le côté énervé, seul groupe auquel on pourrait d'ailleurs un peu les comparer, le tout drivé par une vraie batterie donc (exceptionnel pour de la musique électronique, les Young Gods faisaient ça à leurs débuts mais qui d'autre ?) et d'un esprit rave totalement réussi (ça danse, tout le monde danse, on aurait tous pu danser jusqu'à l'aube malgré nos plantes de pieds bien fatiguées - Lévitation, c'est sur un parking en goudron). L'un des deux DJ's (qui parle un français parfait alors qu'ils seraient londoniens ?) était en salopette rouge, il avait une tignasse comme ça n'existe plus (trois fois le volume de sa tête), et il sautait partout lui aussi (ça sautait beaucoup dans ce festival), ajoutant au côté transes épileptiques de l'ensemble. Je termine en ajoutant que si l'on devait mettre une scène figurant un groupe de rock dans un film de science-fiction qui se déroule en 2150 ou 2248, je ne vois qu'eux. On pourrait d'ailleurs ajouter leur musique dans Star Wars, dans la fameuse scène du bar avec tous les monstres et un "orchestre".
Quoiqu'il en soit, une excellente fin de deuxième journée de festival que je ne suis pas prêt d'oublier, avec comme seul regret celui de ne pas avoir été présent la première journée. 

J'étais pas loin derrière


Vous savez ce qui vous reste à faire : écouter Tramhaus, Clamm, Acid Dad, Porridge Radio, Bermud et Madmadmad. D'urgence.

(à lire aussi ce compte-rendu auquel j'adhère à 100% : https://www.benzinemag.net/2023/05/30/live-report-the-dandy-warhols-porridge-radio-tramhaus-et-les-autres-a-levitation-angers/)


 
(celle-là, elle est de moi ! Petit cœur avec les doigts)


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