Chronique : Congregation, de Witch Fever

Ça faisait déjà un bon moment que l'on surveillait du coin de l'oeil ce quatuor de jeunes filles de Manchester, très lookées "gothiques", avec une chanteuse en apparence possédée. Alex, Alisha, Amy et Annabelle, rien que des A, comme la note que l'on donnera à cet album, ont sorti deux singles et un mini-LP depuis 2018, et voici enfin leur véritable premier album, "Congregation", plus noir et désespéré que jamais.

Ne vous fiez cependant pas au look, même si l'on sent bien à plusieurs reprises des ambiances que n'aurait pas renié UK Decay, pionnier du rock gothique, et inventeurs du terme bien malgré eux, quand celui-ci était encore bourré d'influences punk hargneuses et enragées.

Witch Fever est classé sur divers sites web dans le punk/grunge, terme bien réducteur car le son des guitares ne fait pas tout. Grunge, bof, parlons plutôt de noise, de riot grrrls ou d'un rock féministe énervé à la Hole ou Babes In Toyland, avec donc cette tendance death-rock très marquée.

Mais peu importe au final : Witch Fever réussit à s'imposer dans un genre pas encore trop répandu (coucou aux françaises de SheWolf) avec un album obsédant et sacrément bien foutu qui fait qu'on y revient même sans s'en apercevoir.


(Chronique également publiée sur premo.fr)






Chronique : Stompwork, de Dry Cleaning

 Ce deuxième album de Dry Cleaning était très attendu après le battage médiatique (relatif, certes) qu'il y eût autour du premier. Rappelons que Dry Cleaning renoue avec un genre un peu oublié, le "funk-punk", "disco-punk", "groovy-post- punk" ou quelque soit le terme qu'on voudra bien lui donner. Mais on le sait, le cap du second album est un cap difficile, les musiciens devant souvent se remettre en question rapidement, sans avoir le temps de faire mûrir leurs morceaux, comme c'est le cas pour tous les premiers disques.

Celui-ci gagnera donc sûrement à être apprécié après plusieurs écoutes, la faute à sa complexité et au chant parlé de Florence Shaw qui s'avère ici un peu agaçant. Ok, la mode dans le post-punk "2.0" est à ce type de chant, mais il faut savoir doser le côté monocorde et l'émotion. Trop de monocorde tue le monocorde !

Malgré tout, la qualité des compos est assez bluffante : ça part dans le simili-jazz et autres musiques "évoluées" (attention à ne pas aller trop loin non plus), déjà inaugurées par Squid, Black Country New Road ou black midi, des jeunes groupes qui font frémir les critiques rock intello-snobinards qui se gargarisent de culture élitiste. Moins groovy que le premier album donc, avec pour résultat des ambiances assez étouffantes, le chant y étant pour beaucoup.

Peu d'énergie, quasiment pas même (ne parlons évidemment pas de gaîté ou de coolitude), et pour un peu on se ferait carrément chier si ce n'était l'inventivité et le talent des musiciens. Un bon album donc, bien qu'en deçà du premier, et surtout, attention à ne pas se laisser aller à la tentation de la démonstration, il y aurait vite risque de perte d'âme.