Un grand disque oublié : Droom Mix, le projet solo de l'ex-Thugs Christophe Sourice

 Le temps qui passe est une tragédie sans nom quand on arrive à un certain âge. Il passe, on le constate, et en passant il détruit tout sur son passage, comme la vague du tsunami, sans faire de détails : les joies, les peines, tout ce qui a été et tout ce qui a compté. Restent alors les souvenirs, mais même ceux-ci s'effacent, peu à peu.

En admettant que vous ayez connu Les Thugs (Eric, Christophe et Piwai Sourice, les frangins, + Thierry Meanard, sans oublier Gérald Chabaud au début) du temps de leur existence, et vu qu'ils se sont séparés en 1999 (je mets de côté la reformation passagère de 2008), quel âge avez-vous ? Si vous en aviez 15 en 1999, alors vous en avez 38 aujourd'hui, ce qui commence à faire, pas vrai ? Et je ne vous raconte pas si vous les aviez connus à 25 ans en 1987 (heureusement ce n'est pas mon cas, je suis beaucoup plus jeune puisque je n'avais que 21 ans à ce moment-là)...

Bref. Après les Thugs, on croit tous qu'il y a eu LANE (Love And Noise Experiment), qui a ravi nos sens ces quatre dernières années grâce à leurs deux albums et un EP (avec Eric, Piwai et Piwai junior alias Félix, + deux ex-Daria), jusqu'au split d'il y a deux mois. On oublie que les trois frangins ont tenté de poursuivre l'aventure quelques temps, même si elle n'a pas duré très longtemps.

Eric et Piwai ont joué dans Jive Puzzle avec Frank Bergère, Philippe Gohard et Gilles Théolier), un groupe un peu trip-hop, un peu jazzy, un peu psychédélique, et l'expérience était plus que réussie, mais le registre musical, tranquille et un peu cotonneux, trop éloigné du mur du son des Thugs, a laissé indifférent un public qui était passé à autre chose, ou qui n'avait peut-être pas compris de quoi il s'agissait. Jive Puzzle a bénéficié de quelques lignes dans la presse, de ci-de là, et seuls les fans hardcore ont su qu'un disque existait ("Where Is Love ?" en 2004). Petit écho donc, mais minime.

Christophe, lui, ne s'était entouré de personne (enfin si, mais à peine), et il avait tenté le disque solo en 2001, une expérience qui peut lancer une nouvelle carrière pour un artiste, ou s'avérer casse-gueule par manque d'inspiration, la magie de la musique créée par certains individus entre eux disparaissant dès lors que l'un venait à manquer.


Droom Mix, le nom de son projet solo comme celui de l'album, ne fait partie ni de l'un ni de l'autre : le disque n'eût pas de suite (allez si, un deux titres en 2018, dix-sept ans plus tard et tout aussi brillant que celui dont il est question ici), mais il ne passa pas inaperçu à cause du manque de talent ou d'inspiration, bien au contraire. Alors pourquoi passa-t-il inaperçu, demanderez-vous ? Vingt ans après, impossible de le dire. La faute à pas de chance, l'absence de "marketing", ce mot dégueulasse qu'il faudrait supprimer de tous les dictionnaires, va savoir...

Bref, il m'aura fallu vingt ans à moi aussi pour enfin trouver ce putain de disque dont j'avais vaguement entendu parler il y a longtemps mais dont j'avais oublié jusqu'au nom. Merci à Patrick Foulhoux d'avoir rappelé son existence dans la bio des Thugs sortie il y a quelques mois !

Si l'on cherche bien sur Google, on verra que Les Inrocks avaient annoncé sa sortie, avec une tournée derrière, et sinon... rien. Deux vidéos de fan sur YouTube, quelques sites de vente de CD d'occasion, basta. Même sur des serveurs comment dire... pas très légaux... rien.

Malgré mes super-compétences de fan hardcore de rock indé depuis trente ans, du proto-punk des Stooges au post-punk 2.0 des Idles, toujours à l'affut d'une nouveauté, plongé là-dedans depuis quarante ans, même moi, donc (ah tiens mes chevilles enflent) j'étais passé à côté.

Alors je ne vais pas vous décrire l'album de Droom Mix à la loupe en analysant les paroles et la musique à la loupe, je laisse ça aux journalistes rock modernes qui pondent des chroniques de disques ampoulées de trois kilomètres, mais juste vous dire que c'est un album formidable, digne héritier de la musique des Thugs, avec les guitares que vous aimez, même si les synthés et la boîte-à-rythmes, le chant souvent en français changent un peu la donne. Un album sacrément intelligent, bourré de sensibilité et d'émotions (pas très gaies c'est sûr, les paroles de "Alors" sont d'une tristesse absolue), d'inventivité, de créativité, de mélodies parfaites, bref de tout ce que j'ai toujours adoré dans les Thugs.

12 morceaux et 36 minutes indispensables à réhabiliter (rééditer ? si quelqu'un me lit) d'urgence.


A ne pas zapper, le deux-titres de 2018, "La Crise / Le mot de trop" :
https://slow-death.bandcamp.com/album/la-crise

PS : un doute terrible m'envahit : Droom Mix est-il sorti en 2001 ou 2007... ou les deux ? Les sources divergent...

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