Rotten Daisies, c'est comme ça qu'ils se sont appelés à leurs débuts. Et puis ils ont vite changé de nom pour assumer leurs origines : bienvenue aux Margaritas Podridas, un groupe venu de Hermosillo, état de Sonora, au nord du Mexique. Une grande ville, 800 000 habitants, à 3h de route des Etats-Unis, où la jeunesse désœuvrée et écœurée par son gouvernement et par l'état du monde est la même que partout.
Pour Carolina Enriquez (chant, basse), Esli Meuly (Guitare, Choeurs), Alfonso López (Guitare) et Rafael Domínguez (batterie), aidés par Sofia Léon -c'est la composition actuelle du groupe- balancer un maximum de décibels est le meilleur moyen de supporter la pression. Directement inspirés par les groupes noise américains des années 90, le mouvement féministe pré-riot grrrls (Hole, Babes In Toyland - modèles évidents pour Carolina, mignonne petite blonde vêtue de jolies robes blanches à dentelles à qui l'on donnerait le bon Dieu sans confession), sans oublier les maîtres des guitares bruitistes, Sonic Youth, mais également par toute une jeunesse qui se noyait dans le flot des larsens en regardant ses chaussures de l'autre côté de l'Atlantique, en Grande-Bretagne (les shoegazers, de Ride à My Bloody Valentine en passant par Chapterhouse ou Swervedriver), le tout enrobé d'un zeste de post-punk et de goth ; ils ont choisi de faire revivre les deux genres (même si le revival shoegaze est très marqué depuis 15 ans) en les alternant à merveille dans toutes leurs compositions.
Faire du neuf avec du vieux, ils savent le faire à merveille les Margaritas Podridas, car ce qui a toujours primé dans ce genre de musique, c'est l'émotion brute, à fleur de peau : éthérée/évaporée/déprimée pour la shoegaze, destructrice et ultra-violente pour la noise.
Un premier mini-album, Porcelain Mannequin, est sorti en cassette à l'été 2018 sur un petit label, sous le nom de Rotten Daisies et bien souvent qualifié de "grunge", ce qu'il n'est absolument pas (rappelons que le grunge, c'est le croisement entre le punk et le hard-rock, alors qu'il n'y a pas ici un zeste de hard-rock).
Réédité en 2019 puis 2020 sous des formats standards plus accessibles, il commence peu à peu à imposer le groupe. Dès l'ouverture, le morceau éponyme met les choses au clair : on n'est pas là pour rigoler, et les sept morceaux qu'ils contient montrent un groupe déjà mûr et original. Et si la vidéo de Chant fait encore penser à de la musique gothique/post-punk, dans une sorte de Siouxsie & The Banshees énervé, tourné dans un cimetière, les guitares sont déjà là qui transforment la morgue en rage. Très énervé, l'album est un condensé de rage punk basique comme on en entendait dans les années 90 : sept titres, 18 minutes dans lesquelles on croise les fantômes de Bikini Kill ou Hole, avec encore un son de guitares sans doute un peu trop polissé, mais cela n'a aucune importance : on en redemande.
C'est avec Margaritas, le troisième titre, que l'auditeur basculera -ou pas- du statut d'amateur éclairé à celui de fan hardcore : ce morceau fantastique mise tout sur la voix de Carolina : d'abord toute en retenue sur des nappes de guitares très My Bloody Valentine, à la différence près qu'au lieu de se cantonner à un désenchantement existentiel fatigué, c'est une colère sans nom qui monte peu à peu, jusqu'à ce qu'elle se transforme en hurlements venus des tréfonds de l'âme... Quelle baffe, mes aïeux ! Mais qu'est-ce qui a pu pousser cette frêle jeune fille à souffrir autant ? Ce qui est sûr, c'est que tout ça n'est pas de la frime. Le reste de l'album est à l'encan, avec alternances de plages oscillant entre les Cocteau Twins, Lush ou The Charlottes, et des montagnes russes émotionnelles. On ressort de là avec le besoin désespérer de tout recommencer...
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