Encore des zombies ! Faut-il regarder "All of Us Are Dead" ?

ATTENTION :
cet article est interdit à tous ceux qui regardent les séries étrangères en VF.
Il faut regarder les films et séries en VOSTFR !
(vous préférez une glace italienne achetée à Rome ou une glace à l'eau Carrefour ?)




"Encore une série de zombies ?" me direz-vous avec un ton légèrement exaspéré, doublé d'un rire amusé. Mais avec une légère envie, quand même, d'y retourner, je le sens bien... Et vous avez raison, depuis une bonne dizaine d'années on baigne dans les zombies, qu'ils soient en films ou en séries, sans parler des mangas ou des romans (rien encore en musique et en peinture mais ça ne saurait tarder.). Et avant ça, c'était les vampires ! Quelle époque.

Bref, "All of Us Are Dead" est la nouvelle série coréenne que tout le monde va vite vouloir s'arracher, médias mainstream en premier lieu, la Corée du Sud étant à la mode depuis "Squid Game" et "Parasite", c'est-à-dire fort peu de temps (alors que depuis une bonne dizaine, voire quinzaine d'années ce pays fournit un quota démentiel d'excellentes oeuvres cinématographiquo-sérielles). La série est tirée d'un webtoon à succès, il y aura donc forcément plein de fans "originels" qui vont gueuler (je les entends d'ici : "ouaaaais euuuuh c'est pas pareilleuuuu ils ont pas respecté ci ou çaaaaa"). Ok ok on a compris, je m'adresse à ceux qui, comme moi, ne connaissent pas le webtoon.

Difficile donc d'aborder une nouvelle série consacrée à l'apocalypse zombie sans s'attendre à du vu, du revu ou de l'archi-vu. The Walking Dead, par exemple, s'y est cassé les dents, car au bout d'un certain nombre d'années, une fois qu'on a vu des zombies en tout genre (enfants, adultes, vieux, bébés et même animaux) déchiqueter à belles dents un brave humain (héroïque, ou malchanceux, ou terrifié, ou bien fait pour lui), dans tous les endroits possibles et imaginables (une maison, une rue, un toit d'immeuble, des chiottes, sur un plateau-télé, dans un tribunal, à la cantine, en boîte de nuit, en bateau, en avion, à vélo, à la mer, à la montagne, à la campagne...), il semble difficile de réveiller le spectateur avec un peu de nouveauté. Ici, l'action se situe dans un lycée, avec quelques incartades en dehors. Mais c'est surtout dans le lycée, avec des lycéens (et donc les critiques ne manqueront pas d'affirmer qu'il s'agit d'une série pour ados, comme si un adulte ne pouvait pas comprendre ni apprécier).




"All Of Us Are Dead" n'échappe donc pas à l'écueil du déjà vu, mais cela n'est pas forcément synonyme de manque d'originalité. Alors on ne crachera pas pour autant dans la soupe, et cela pour plusieurs raisons :

  • les séries coréennes, tout d'abord (il faudra que je vous en parle plus en détail) sont différentes des autres.
    [ Parenthèse : chaque pays a sa façon de raconter des histoires : les Anglais un peu cheap mais avec des émotions fortes et une pointe d'humour so british, les Américains spécialistes de l'action mais avec des émotions gnan-gnan, les Français mauvais en tout, tout simplement, les Scandinaves avec de la neige et du froid et des crimes sordides, les Italiens avec pas mal de violence et de surréalisme et toujours un plat de pâtes, les Israëliens avec des militaires omniprésents et des soldats traumatisés... (allez je déconne c'était une caricature volontaire... quoique...) ]
    Elles sont différentes parce que toutes celles que j'aie pu voir, films compris (et ça commence à faire un bon paquet), mêlent grands sentiments exagérés (avec en général au moins un jeune enfant qui pleure à chaudes larmes), humour totalement crétin (voir par exemple ici l'épisode où les survivants, enfermés dans une salle de classe, débattent de la façon dont ils vont bien pouvoir faire caca ou pipi - on rit au moins une fois à chaque épisode) et surtout du gore absolument délirant, avec une violence qu'aucun autre pays n'osera de façon aussi crue et soutenue, sans oublier les codes sociaux de la société coréenne, omniprésents et souvent incompréhensibles pour un occidental.

  • les zombies coréens eux aussi sont différents des autres : ils se contorsionnent dans tous les sens, brisant leurs os avec des bruits forts désagréables et adoptant des postures grotesques assez effrayantes (on se demande comment font les acteurs, d'ailleurs).
  • Il y a dans "All of Us Are Dead" un véritable suspense avec pas mal de situations inédites et des rebondissements très bien foutus, où l'on sent une volonté de coller au maximum au réalisme de la situation (hormis les zombies, qui n'existent pas dans la vraie vie, le système de débrouille et de survie reste souvent très plausible, sans inventions scénaristiques grotesques).
  • le côté "Don't Look Up" (vous savez, le film avec Di Caprio en scientifique malheureux qui s'évertue à prévenir l'humanité de la fin du monde), bien présent même s'il aurait pu l'être un peu plus avec dénonciation de l'incurie des politiciens, militaires bien bourrins, dénonciation des réseaux sociaux et plus généralement de la grande misère intellectuelle de l'Homme moderne.

  • les états d'âme des personnages, tous assez fouillés et jamais caricaturaux (même si l'on retrouve, comme dans toute bonne série qui se respecte, le gentil, le méchant, le benêt, le gros, la salope, la midinette, la pauvre petite chose fragile, le loser... mais pas d'homosexualité ni de problématiques raciales, faut pas déconner on est en Corée), avec l'exploration de l'amitié, de la famille, des amours adolescentes, du harcèlement ou du suicide, bref la panoplie adolescente...

  • une invasion de zombies, qu'elle soit liée à un virus volontaire ou non ou au retour des morts sur la terre, que la contamination soit ultra-rapide ou lente, que les zombies soient rapides ou lents... ça plaît toujours ! 
  • (attention spoiler) il y a des gens qui ne deviennent pas vraiment des zombies, et même, on a ici la possibilité d'un remède, ce qui est assez rare dans les histoires de zombies, mais je ne vous en dit pas plus.



En résumé, "All of Us Are Dead", malgré ses douze épisodes de plus d'une heure et quelques rares longueurs (on ne s'ennuie cependant jamais), reste un plaisir coupable à déguster tranquillement dans son canapé.
Elle est similaire à un pot de Nutella : on s'en goinfre tout en sachant pertinemment que ce n'est pas très bon pour sa santé, mais on le fait quand même, et même on y revient régulièrement, sans scrupules. Alors ne boudons pas notre plaisir, d'autant que les séries de zombies sont trop rares pour qu'on les ignore. "All of Us Are Dead" pourra donc mériter quelques critiques, mais il est indéniable qu'elle ne mérite pas, simplement, qu'on l'ignore.

Procès en pédopornographie : faut-il encore écouter Nirvana ?

Spencer Elden, le bébé de la fameuse pochette dont on voit la zigounette sur "Nevermind", a grandi. Sans doute bien conseillé par un ou plusieurs avocats bien représentatifs de la justice à l'américaine, il a été débouté de sa première plainte pour pédopornographie, alors il remet le couvert.

Spencer Elden est un pauvre type. Pauvre, dans tous les sens du terme : pauvre type car il n'est pas riche et qu'il veut de l'argent (même si je suppute qu'il ne soit pas à la rue), pauvre type parce que les raisons du procès qu'il intente ne trompent personne hormis quelques illuminés et restent profondément méprisables -qui peut sérieusement croire que Nirvana ait imaginé une seule seconde qu'ils faisaient "de la pédopornographie"-, pauvre type car tout ça lui a fait péter un câble, et qu'il n'est finalement lui-même qu'une victime d'un succès monstrueux qui a dépassé tout le monde, à commencer par Kurt Cobain, Chris Novoselic et Dave Grohl.



Mais on ne va pas s'appesantir sur Elden ou la supposée pédopornographie de la pochette (j'avoue, mon titre est un peu racoleur, il n'y a même pas lieu à débat pour moi). La vraie question, c'est "faut-il encore écouter Nirvana en 2022, 30 ans après" ? N'y aurait-il pas d'autres groupes dignes d'intérêt ? 
Tentons d'y répondre. Ces dernières années, j'ai pu m'offrir trois T-shirts de Nirvana (je suis resté très gamin malgré mon âge vénérable), l'un avec le smiley bien connu, deux autres avec des reproductions d'affiches de concerts. Ce n'était pas bien difficile, ils en font plein chez Kiabi (le magasin des ploucs) et pas bien chers non plus, genre 5€ (normal c'est le magasin des ploucs bis).
J'aurais aussi pu m'acheter un T-shirt Ramones, d'ailleurs, sans parler d'AC/DC, des Rolling Stones, qui sais-je encore. Le phénomène a commencé dès le lendemain de la mort de Kurt Cobain, peut-être même était-il encore vivant, d'ailleurs. 

Je pense même que c'est -en partie- à cause dudit phénomène que l'idole des jeunes grunges a décidé de se tirer une balle. La drogue évidemment, tout le monde le sait, l'a aidé à accomplir son geste. Cobain souffrait de l'estomac depuis des années et c'est pour cela qu'il avait commencé à se shooter, pour oublier la douleur, puis pour tenir le choc face à la célébrité, à la pression médiatique et aux tournées épuisantes.
Comment voulez-vous qu'un brave type puisse affronter un tel succès sans un moral d'acier ? Lui qui était fragile psychologiquement, et "tellement seul" comme l'a dit il y a encore peu Dave Grohl...

Mais ce n'est pas l'objet de ma réflexion. Donc, dès mai 1994, on voyait des gamins avec des T-shirts Nirvana ou, mieux, "Kurt Cobain", avec sa tronche en grand et son rimmel sous les yeux. Je me souviens de la première fois où j'en ai vu un, sur un môme de 14 ans qui manifestait le deuil de son idole de cette façon, cela m'avait profondément dérangé.

Quatre ans plus tôt, comme tout le monde, j'avais entendu à la radio, dans l'émission de Bernard Lenoir, la seule en France sur grandes ondes qui permettait d'écouter autre chose que de la daube FM, le fameux Smells Like Teen Spirit.

Quand on n'a pas vécu ça, on imagine mal la déflagration que cela a représenté, un peu comme Anarchy In The U.K., enfin je pense (ça, je n'y étais pas). Tu es là, peinard, en train d'écouter de la musique et de prendre des notes (moi j'avais un petit agenda ou des bouts de feuilles et je mettais des étoiles, de 1 à 5, à tout ce qui me semblait intéressant) quand soudain il y a cette intro à la guitare, puis ce truc que tu te prends en pleine gueule, avec ce chant écorché et cette rage absolue qui te laisse pantois, abasourdi. Tu mets tes cinq étoiles et tu soulignes de trois traits épais, puis tu entoures trois fois le nom du groupe, "Nirvana", en te disant qu'il faut que tu trouves ça immédiatement au disquaire du coin.

La suite, on la connaît. Quelques mois plus tard, j'ai eu la chance de rencontrer les trois membres du groupe pour interviewer Krist Novoselic, le bassiste, avant de saluer le sieur Cobain, juste un salut rapide et de pure forme, mais je me souviens de son regard, de ses yeux bleus, et c'est la première fois, et la seule, de toute ma vie, où j'y ai vu une telle douceur et une telle sensibilité. Vraiment. Et à l'époque, il n'était ni mort ni célèbre (enfin, ça commençait). Si j'avais été une fille, j'en serais tombée immédiatement amoureuse, c'est sûr, mais en tant que mec j'avais juste envie d'en faire mon pote, on se serait bien entendus.

Nirvana a bouleversé le paysage musical comme l'avaient fait les Sex Pistols. Certes, ils n'étaient pas tout seuls, et ils n'étaient pas non plus les premiers, mais c'est leur succès qui a permis a toute une multitude de groupes de se placer dans leur sillage et de conquérir le monde. Quand on se souvient que les maisons de disques américaines envoyaient partout en France de la promo pour les Cows, Prong ou Fudge Tunnel, des groupes quasi-inaudibles pour monsieur-tout-le-monde, on croit rêver.

Nirvana représente le dernier sursaut d'indépendance avant que l'industrie musicale cesse de tolérer ces fouteurs de bordel qui risquaient de s'enrichir à leur place. Cobain les appelait fort justement "les goinfres". Le blondinet enterré, la vague "grunge" allait vite s'effondrer, et très vite les goinfres reprendraient la main. C'est qu'ils n'allaient pas se faire avoir une deuxième fois. Le punk les avait déjà bien mis à mal avec la naissance des labels indépendants et des radios libres, le grunge n'allait pas imposer sa liberté écœurante dans le système de l'économie du loisir pour jeunes. Et d'ailleurs, le terme de "rock indépendant" ou "indie rock" a commencé à disparaître à cette époque.


La bonne idée, c'était de vendre de la rébellion en supermarché : jeans troués à l'avance, Converse inondant le marché et transformant cette chaussure de clodo en objet cool et hype, T-shirts évidemment on l'a vu, chemises-bûcheron "garanties comme à Seattle", sans parler des objets dérivés et surtout d'une diffusion des disques reprise en main par de vrais gros labels rachetant les petits qui cédaient souvent pour survivre, croyant aux promesses d'une indépendance conservée. Ce serait à eux de décider, plus aux groupes. Avec un paquet de biffetons, on fait ce qu'on veut, pas vrai, c'est historique et universel ! Le comble de l'horreur sera vite atteint avec Stiltskin, groupe monté de toutes pièces pour faire un gros tube de radio, avec un chanteur clone de Kurt Cobain. D'autres petites choses immondes comme Nickelback suivront. Au moins, les copies conformes de Nirvana d'aujourd'hui le sont en hommage, pas par calcul financier (quoique).

Alors oui, il faut continuer à écouter Nirvana. Parce qu'ils sont à la fois le symbole du dernier gros doigt tendu aux goinfres, mais aussi celui de l'échec cuisant de la liberté artistique. Depuis 1994, a-t-on connu un tel vent de liberté dans la musique ? On a eu la techno et ses raves, qui était déjà un peu là et qui restait plus ou moins indépendante mais qui, tellement renfermée sur elle-même, ne gênait finalement pas grand monde, et on a aussi eu le rap, mais celui-ci a été récupéré encore plus vite que le rock, transformant les rebelles Noirs des banlieues pauvres en gros cons machos fiers de leurs Ray-Ban à 1000€, de leurs bagnoles de sport luxueuses et de leurs conquêtes féminines réduites à l'état de putes. 

Oui, cent fois, mille fois oui, il faut encore et toujours écouter Nirvana, symbole de liberté, de pureté et d'indépendance mais aussi pour ne jamais oublier que leur récupération est un exemple des dérives d'un capitalisme cynique et impitoyable qui n'hésite pas à détruire des individus ("Rape me", chantait Cobain, on ne se demande pas pourquoi).

Symboliquement il le faut donc, mais artistiquement il le faut aussi. C'est l'album "Nevermind" qui tire son épingle du jeu, ce qui est logique car c'est l'album le plus mélodique, le plus abordable, conçu par un petit groupe sans prétention qui n'imaginait pas une seconde que son disque allait conquérir le monde, et dans lequel ils avaient mis toute leur colère et tout leur talent sans arrière-pensées. "Bleach", le premier, sorti en 1989, a sans doute mal vieilli et reste le symbole d'un genre obscur, entre métal, punk et indus, brutal et sombre, réservé aux amateurs du genre. Et "In Utero" le dernier, malgré sa proximité avec "Nervermind", reste un disque créé par un groupe qui voulait se détacher de son succès et revenir à une musique plus dérangeante, destinée à emmerder les braves gens : il ne possède pas la colère naïve de "Nevermind".

Il faut non seulement continuer à écouter Nirvana, mais souhaiter un retour similaire d'un tel phénomène, sous une forme ou une autre, musicale ou artistique, pour briser le carcan étouffant de l'art tout entier aujourd'hui, dont la moindre anicroche est immédiatement transformée en produit assimilable en grandes surfaces, sans qu'aucun des porcs qui la récupèrent n'ait peur pour son compte en banque.

C'est reparti

J'ai décider de relancer ce blog ! En me relisant je me suis dit que, quand même, c'était pas si mal ce que j'y avais écrit, même si pas grand monde ne lisait tout ça.

J'essaierai de publier régulièrement les podcasts consacrés à l'actualité "à rebours" : chaque semaine, un podcast de 20 minutes environs présentant 5 ou 6 titres sortis pile poil il y a 30, 35, 40, 45 ans. Il faut juste faire l'effort de cliquer pour entendre ma douce voix et faire vibrer la fibre nostalgique. J'en ai profité pour remettre quelques notes, antidatées comme celle consacrée à New Order.

Je n'ai pas la prétention de parler de toutes les formes de rock, alors je me cantonne à celui que j'ai aimé et écouté, sur lequel j'écris depuis 1989, d'abord dans des fanzines... :

  • le Kissing Booklet consacré à Cure,
  • puis Decades, mon propre fanzine consacré... au passé du rock, tiens donc - seulement 2 numéros,
  • enfin Prémonition, premier fanzine de France  de 1990 à 1996 disons, distribué dans toutes les FNAC notamment, ensuite sur le web et aujourd'hui qui vit tranquillement),
... ensuite en écrivant un livre sur l'histoire du mouvement punk et du début du post-punk : "Génération Extrême, 1975-1982 du punk à la cold-wave" paru en 2005 chez Camion Blanc.
Aujourd'hui la rédaction de la suite est entamée, elle concernera la période 1988-1994, puisse un gentil éditeur concrétiser ce projet quand il sera terminé (faut que je me bouge).

Si vous voulez connaître mon parcours musical (on sait jamais, j'ai toujours rêvé d'être une célébrité), je vous invite à lire la note de mars 2018 concernant L7.