Sexy Sushi, un hymne à la vie

Voici une vieille chronique (2018) écrite d'une traite, un peu brouillonne et que je viens de retrouver au fin fond d'un dossier oublié... plutôt que de la jeter à la corbeille autant la publier, même si personne ne la lit jamais.


J'écoutais tout à l'heure en podcast la 2ème partie d'une émission de France Culture intitulée "Chantons sous la crise !", consacrée au "punk et (au) tournant libéral".


Hormis la qualité de cette émission (ça fait du bien par les temps qui courent) et la résonnance avec ma propre culture (je suis un quinquado hein, même si je n'ai écouté du punk que 5 ans après sa mort), je reste étonné et j'ai du mal à comprendre ces tentatives d'analyses scientifiques d'explication du mouvement punk qu'on n'en finit plus de célébrer (France Culture ne sont pas les seuls, il y a des conférences, des chercheurs qui font des analyses en invitant des vieux punks de tout poil) (c'est quand même symptomatique, essaie-t-on d'analyser le phénomène punk parce qu'on s'en est tellement éloigné qu'il semble être une curiosité désuète ? la question peut se poser). Pour moi le punk ça se vit spontanément, ce n'est pas un truc auquel on réfléchit, c'est juste une façon de vivre, de voir la société, de vouloir autre chose dans les rapports humains ou économiques.  Bref.

Or donc, à la fin de cette heure d'écoute très intéressante, était diffusé un titre du dernier album de Sexy Sushi (2013, ça commence à dater, j'ai bien peur que cette belle affaire-là soit terminée), et là mon sang ne fit qu'un tour. J'écoute régulièrement Fraülein Warrior (synthés, chant, cris, seins à l'air, doigt tendu) et Mitch Silver (synthés et doigt tendu) depuis une bonne dizaine d'années, leurs morceaux me font un bien fou, c'est comme une espèce de thérapie face à l'énervement, au malaise et à la colère que me procurent mes contemporains et l'actualité en général.

A chaque fois, la musique de Sexy Sushi me procure des putains de sensations fortes, mais vraiment fortes, au point de me faire pleurer (merde je casse mon image de gros dur), eh oui, carrément. C'est ça qui est curieux, parce que Sexy Sushi ne fait pas de la musique triste : c'est de l'électro-clash, trois notes de synthés furieuses, répétitives, hyper efficaces sur le dance-floor. Furieuses, voilà le bon adjectif. Mais il y a aussi quelque chose que je ressens profondément, bien planqué derrière la fureur : un désespoir bien réel sur l'avenir, sur le présent, sur l'amour, sur la vie tout court, mêlé d'un cynisme rigolard pour faire passer la pilule certes, mais extrêmement sombre et vain. Bon et puis il suffit d'écouter ce que chante Julia Lanoë (c'est son vrai nom, perso je préfère Fraülein ou  Rebeka Warrior) pour s'en rendre compte, les paroles de "Calvaire" en sont une évidence, même si elle a dû écrire ça un jour de sinistrose, j'espère que ce n'est pas son état quotidien. Et puis on peut aussi écouter Mansfield TYA, le duo de Julia en parallèle, tout en nuances, violons et douceur, contrepied total de Sexy Sushi, dans lequel elle explore son côté romantique et poétique ; et College, le projet solo (?) de David Grellier (vrai nom de Mitch Silver), dont la musique évoque celle des films des années 80, nappes de synthés et sons cheap, on pense notamment à John Carpenter. Lui-même parle de « nostalgic music », inévitablement on retrouve çà dans Sexy Sushi.

Mais Sexy Sushi c'est (c'était) aussi un pur vrai groupe punk, moderne et actuel, qui utilise les synthés au lieu des guitares, avec des paroles saignantes, crues et directes-dans-ta-gueule, une sacrée dose d'humour trash, débile et absurde, et des visuels bien laids pour faire chier tous ceux qui soignent leur image à outrance, bien léchée et surtout pas dérangeante. Personne n'oubliera leurs hymnes à Rachida Dati ou à Jean-Pierre Pernaut, symboles d'une France exécrée (j'espère pour eux qu'ils n'ont jamais entendu ces morceaux, sous peine de syncope).

J'ai eu ce besoin irrépressible de vous parler de Sexy Sushi, un peu tard certes car les deux zigues atteignent un âge respectable, dont l'Histoire du rock prouve que la tendance est à se calmer et à passer à autre chose... Mais quand on aime, on ne compte pas le temps qui passe. Le vrai problème si Sexy Sushi s'arrête, c'est que je n'ai pas du tout l'impression que beaucoup de groupes soient prêts à prendre la relève en allant aussi loin qu'eux... avec un tel talent.


Extrait d'un concert époustouflant, 2013



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ce blog est modéré (pour éviter les spams), mais n'hésitez pas à commenter !