Beau oui, comme Bowie (©Isabelle Adjani)

Finalement, ce qui touche le plus avec la mort de Bowie, ce sont les hommages multipliés à l'infini que l'on croise sur Facebook et sur tout le net, plus encore que ceux de Lemmy (réservé à la frange dure des amateurs de rock), Galabru (réservé aux cinéphiles plus ou moins alternatifs), Boulez (réservé à un autre monde dont je ne fais pas partie), Delpech (réservé à beaucoup de femmes qui le trouvaient beau oui comme Bowie et à la chanson populaire de qualité, mais ce n'est pas mon monde non plus), enfin à Johnny Hallyday, dont la mort me ravit.

Placebo, Nine Inch Nails, Dandy Warhols, Pixies, plus une myriade de petits groupes actuels, plein de gens de 30, 40, 50, 60, 70 ans, bref tout le monde a rendu son hommage, et la plupart du temps c'était quelque chose de spontané et de sincère et donc, de touchant.

Pour moi, si tant est que vous en ayez quelque chose à foutre, Bowie n'a jamais été une idole, mais il a toujours été un type profondément respecté, un peu admiré, un mec cool qui vous accompagne dans votre vie, et c'est quelque chose de rare avec les chanteurs, parce que leur carrière est en général assez courte. C'est un truc que l'on ressent beaucoup plus avec les acteurs, si vous voyez ce que je veux dire : Rochefort, Serrault, Noiret, par exemple, pour ne citer que quelques français, dont la mort m'a fait le même effet (enfin, pas Rochefort, pas encore). Le sentiment de perdre un petit bout de soi-même et de se rapprocher, l'air de rien, de ce néant qui nous attend, à notre tour.

La première fois que Bowie m'a marqué, c'est à l'époque où je me souciais beaucoup de mes boutons sur la gueule et que je n'avais pas encore découvert le punk ou le grunge. C'était à l'époque de "Ashes to Ashes", avec ce titre absolument incroyable, "Fashion", son riff de guitare destroy qui s'abattait sur cette "fouf fouf fouf" synthétique bizarre, bref un morceau typique des années post-punk, novateur jusqu'au bout des ongles. Après, ça a été la période "Let's Dance", et pour moi c'était déjà de la musique de vieux : un type en costard, de la musique joyeuse, alors que j'étais en pleine dépression adolescente à écouter The Cure, Echo & The Bunnymen ou Siouxsie & The Banshees, très peu pour moi. Mais à la même époque, aussi, je découvrais Bowie dans son autre rôle, qui lui allait pas si mal : le personnage de fiction, au cinéma. Comment oublier "Les Prédateurs" (avec Bauhaus !) ou "Furyo" ? Et aussi ce vieux machin des années 70, "L'homme qui venait d'ailleurs", qui m'avait bien impressionné ?

Plus tard, Bowie a signifié les cuites à la bière dans la cité U : un copain écoutait en boucle "The Rise and Fall of Zyggy Stardust", l'album que j'ai d'ailleurs choisi comme musique de fond pour écrire ceci. Encore plus tard, alors que j'étais moi-même bien intégré dans mon rôle de fanzineux rock qui avait le pouvoir d'interviewer Kurt Cobain par exemple, ce fut le magnifique "1. Outside", qui réhabilitait Bowie comme un artiste moderne, jeune et digne d'écoute (Tin Machine avait déjà contribué à le rendre respectable). Même si on pouvait lui reprocher de copier Nine Inch Nails. Le suivant, "Earthling", était aussi un sacré truc, ainsi que "Heathen" ou "The Next Day".
Je surveillais alors sa carrière avec toujours ce sentiment un peu jaloux, un peu moqueur, avec une pensée du genre "c'est un sacré bonhomme, un fieffé escroc de génie, j'aimerais bien arriver à son stade à son âge."
Quantà Lazarus, que j'ai écouté pour la première fois dimanche, la veille de sa mort, il est trop tôt pour que je donne un avis posé, mais il est clair que c'est un album crépusculaire, son chant du cygne.

Il nous reste un sacrée discographie qu'on n'a pas finie de redécouvrir, et qui est définitivement entrée dans l'histoire magique du rock'n'roll. Et pas grand monde pour le remplacer, hélas. Même Iggy Pop qui n'est pas à sa hauteur, malgré une longévité identique.

Le meilleur hommage que l'on puisse rendre à David Bowie, n'est-il donc pas d'écouter ses disques ? Sans aucun doute. Dont acte.


1 commentaire:

  1. Je me souviens du clip Ashes to Ashes que l'on voyait de chez nous à Woluwe St Pierre passer sur une chaine belge (ou allemande ? ou autre ?) sur notre téléviseur futuriste avec des touches sensibles au touché, au touché d'à peu près n'importe quoi ce qui provoquait des changements intempestifs. Mais pour revenir au sujet de ton article, c'est ainsi que j'ai découvert Bowie pour ma part. Et il ne m'a plus quitté, ou plutôt il est revenu périodiquement. Effectivement, une (petite) part de moi s'en est allé avec lui. Gilles.

    RépondreSupprimer

Ce blog est modéré (pour éviter les spams), mais n'hésitez pas à commenter !