Chronique de "I Inside the Old Year Dying" de PJ Harvey

Dans la critique de Télérama, journal pas forcément très orienté rock indé, l'album de PJ Harvey est classé dans la catégorie "variétés". C'est dire si la musique de la jeune féministe enragée et teigneuse du début des années 90 a évolué. Mais ce n'est pas péjoratif pour autant : les gens mûrissent (enfin la plupart), et les artistes comme les autres. Leur musique, quand elle est sincère et débarrassée du souci de plaire, fait de même.

C'est bien ici le cas avec Polly Jean, 53 ans, qui, plus elle vieillit, plus elle enrobe sa musique de silence, de dépouillement et de mysticisme. Il ne reste guère de ses débuts que sa noirceur profonde, qu'elle prenne la forme d'un cri de rage ou de l'angoisse de la mort. On apprécie l'artiste donc, mais sa musique, c'est plus compliqué.
On aimerait l'adorer, la chérir, s'extasier sur chaque nouveauté, mais force est de constater qu'on a tort de vouloir vivre avec le passé et que PJ Harvey ne reviendra jamais à la musique de ses premiers albums, qu'il s'agisse de blues-punk violent et rêche ou de folk indé vénéneux et douloureux.

Les deux derniers disques, qui datent déjà pas mal, avaient laissé un sentiment mitigé, et on s'ennuyait gentiment quand on ne grimaçait pas sur les passages à la harpe. Certains criaient au génie, d'autres, moins aptes à s'éloigner du rock au sens large (votre serviteur s'y inclut - et ce n'est pas péjoratif non plus, chacun son truc) appréciaient poliment puis passaient à autre chose et oubliaient.

Ce nouvel album ne change pas la donne, si ce n'est qu'il s'avère finalement plus agréable à écouter que ses prédécesseurs, avec ses morceaux étonnament courts, décharnés et sans fioritures désagréables ou limite prétentieuses. Et un petit côté Radiohead intéressant, avec ses ambiances sonores très expérimentales. Il s'en dégage surtout, et c'est là sa vraie force, un désespoir existentiel sans limites. Existentiel, précisons-le, sans quoi l'on pourrait croire à une certaine forme de tranquillité zen, les plaintes marquées n'étant pas l'apanage de la dame, qui est bien au-dessus de tout ça.

Un disque pas si mal donc, et même plutôt réussi, à écouter au casque, dans la nuit, quand on réfléchit au sens de la vie. En journée, par contre, on préférera un bon petit groupe de rock basique, plein de vie et -encore pour un moment au moins- d'espoir.

(chronique publiée également sur premo.fr)

2 commentaires:

  1. Critique partagée. On a beau être fan du personnage, on reste souvent sur faim à l'écoute des albums de PJ. On attend toujours le grand disque qui mettra tout le monde d'accord sur son talent. Ce n'est pas encore pour cette fois ci même si cet opus est plus accessible et plus écoutable que les précédents.

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