DIIV sur Canal+ ou Le rock à la télé : même en 2016, c'est pas gagné...

Au Grand Journal sur Canal+ hier soir, Une grande majorité de Franzose a pu voir Augustin Trapenard évoquer le nouvel album de DIIV en termes élogieux. Ceux qui aiment le groupe auront probablement murmuré comme moi un "ben ça alors" étonné.
En effet, DIIV, comme Savages ou Eagles of Death Metal (voir mes billets précédents), n'est pas le genre de groupe qu'on a l'habitude de voir "à la télé", entendons par "télé" des émissions grand public, diffusées à des heures de grande audience. Même sur Canal, qui sait pourtant parfois offrir de vraies belles surprises au public branchouillé.

Evoquer DIIV, c'était assez culotté quand même, car même si leur musique est (pour moi en tout cas) quelque chose de très abordable, ni dérangeant, ni agressif, ni obscur, on a bien senti sur le plateau une sorte d'incompréhension. Trapenard commence d'abord par dire "vous vous souvenez sûrement de ça" en passant une vidéo de l'album précédent, et manifestement ça ne disait rien à personne. Suit un extrait audio, sorte de bouillie sonore comme Canal a le chic pour le faire (leurs directs ont souvent un son épouvantable), suivie d'acquiescements polis d'un public et d'invités qui ne savaient manifestement pas de quoi il s'agissait.

Puis Trapenard lit son papier, expliquant les origines de la musique de DIIV. Hormis les déboires du groupes (drogue, etc), il la définit comme influencée par Nirvana, puis l'assimile à Sonic Youth. Mais si tout le monde connaît Nirvana (et encore, hormis "Unplugged in New-York" et le single "Smells like Teen Spirit", je doute que "Bleach", le premier album, ait un écho aussi fort), qui connaît vraiment Sonic Youth ? Le nom dit peut-être quelque chose à votre voisin, mais la musique, j'aimerais bien obtenir quelques statistiques à ce sujet, même chez les gens dit "branchés".

Donc Trapenard nous définit DIIV comme ça, ce qui est une hérésie absolue, hormis le fait que les guitares soient électriques et qu'il y a des larsens. Aucune violence dans DIIV contrairement aux deux groupes précités, on est nettement plus proches de The Cure, et notre ami journaliste aurait mieux fait de parler d'un courant musical éphémère mais solide, avec un revival très actif aujourd'hui, ayant pour hérauts My Bloody Valentine, par exemple : le mouvement shoegaze. Il termine en disant qu'ils écoutent ça en boucle dans leur équipe, ce qui fait plaisir mais dont tout le monde se fout.
Bref, pas de DIIV sur scène non plus (déception de votre dserviteur), juste ce passage surréaliste de 2 minutes).

Même topo pour Savages, mais je ne vais pas revenir là-dessus. Quant à Eagles of Death Metal, on a bien senti après les attentats que tous les médias grand public étaient profondément soulagés que leur musique soit audible et qu'il ne s'agisse pas de death metal. Imaginez l'embarras de Pujadas, obligé d'évoquer la musique de Eagles of Death Metal au 20 heures s'il s'était agi de quelque chose de beaucoup moins abordable ? Le lendemain, au Bataclan, il aurait dû y avoir les Deftones, c'était déjà nettement moins médiatique, nul doute que les choses auraient été abordées autrement.

Chino, des Deftones
En 2016, le rock a 60 ans, le rock "alternatif" en a 40, mais force est de constater qu'il ne touche toujours qu'une frange réduite de la population, et que les quelques rares qui essaient de le défendre sont loin de savoir convaincre le public de la ménagère de moins de 50 ans.
Concernant DIIV, on se doute que quelqu'un chez Canal a réussi à persuader ce malheureux Trapenard d'en parler, peut-être par copinage avec des gens des Inrocks ou de Télérama (on sait qu'il y a chez eux des gens très branchés et très au courant), ou parce que Canal a des billes dans la distribution de l'album, bref va savoir.

Pour ceux qui ne connaissent pas DIIV, petit groupe shoegaze dont le premier album était en effet très réussi et le second encore plus que le premier, votre serviteur l'écoutant sans arrêt (pour une fois que je suis d'accord avec les Inrocks)  depuis un mois, il s'agit d'une musique qui met l'accent sur des guitares à la fois vaporeuses et électriques (le larsen servant à créer l'ambiance), une basse chantante, très Cure, des mélodies douces-amères, beaucoup de spleen et du désespoir à tous les étages, sans délaisser un côté énergique grâce à une rythmique nerveuse qui crée une certaine tension chez l'auditeur (on tape du pied, on ne s'endort pas).

Un groupe shoegaze, quoi ! On disait noisy-pop en 1991, peu importe le terme mais c'est un genre vraiment à part et reconnaissable entre mille, qui a eu son heure de gloire avec My Bloody Valentine, Ride, Lush, Swervedriver, Chapterhouse, Pale Saints à l'aube des nineties, et qui a de nouveau le vent en poupe depuis une dizaine d'années avec plein de groupes reprenant les schémas de cette musique (Ringo Deathstarr, Cheatahs, Deerhunter, No Joy, The Pains of Being Pure at Heart, Pinkshinyultrablast...), certains plus éthérés que d'autres, d'autres très énervés, bref il y a toutes sortes de genres. Shoegaze pourrait se traduire par "regarder ses chaussures", caractéristique répandue chez les groupes jouant cette musique, de  grands échalas timides et mal dans leur peau, n'osant pas regarder le public en face, renfermés sur eux-mêmes et leur musique.

> l'extrait du Grand Journal à voir ici

Et toi, ami lecteur, dis-moi, es-tu un shoegazeux ? Connais-tu DIIV et souhaites-tu en savoir plus sur ce beau mouvement shoegaze ?


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