Bientôt 2023, et si on écoutait du hardcore néo-zélandais ?

Ils ne sont pas sur les plateformes d'écoute, ils vivent à Wellington, en Nouvelle-Zélande, ils sont trois, deux mecs (Ben, look de brave gars, à la batterie et Rupert, look de nerd, à la basse) et une fille (Hannah, look de jeune fille bien élevée, chant rauque et guttural+guitare). Et ils sont la meilleure chose qui soit arrivée à l'année 2022 en matière de musique extrême, personnifiant la rage comme on l'a rarement fait en réinventant le hardcore, qu'il soit anarcho-punk avec Unsanitary Napkin ou digital avec avec Displeasure. Retenez bien leur nom, car ils pourraient devenir énormes s'ils arrivaient jusqu'aux oreilles de journalistes influents, dirons-nous, ou retomber dans l'anonymat et rester cette jouissance infinie et confidentielle pour leurs auditeurs actuels, dont votre serviteur.



L'album de Unsanitary Napkin, "All Billionaires Are Bastards" est sorti en mars, il compte 12 morceaux pour une durée de 21 minutes. L'album de Displeasure, "Vortex Of Shit" est sorti en décembre, il compte 9 titres et dure 17 minutes. Et les deux groupes (les mêmes musiciens, répétons-le) réinventent à la fois le traditionnel hardcore de trois notes et l'électro-punk hargneux et froid de trois notes et demi, en insufflant dans chacun une énergie et une colère phénoménale et surtout de la sincérité, rien que de la sincérité, une vraie sincérité : pas de look à la con, pas d'attitude "je suis un gros punk destroy", juste trois potes qui jouent comme si leur vie en dépendait. Et surtout un talent fou : réinventer un genre qui tient en trois notes, c'est un sacré challenge après quarante ans de groupes ayant fait la même chose, mais eux y arrivent. Comment ? Mystère. L'émotion qu'ils arrivent à y glisser sans doute, plus quelques samples ou idées hors-normes intercalés dans tout ça, et le résultat est là : il laisse pantois.

Les brûlots incendiaires sont suffisamment rares pour être signalés, alors si vous avez les oreilles un tant soit peu bétonnées (le chant de Hannah, très rare dans le monde féminin et réservé au milieu métal extrême en général, peut s'avérer difficilement supportable quand on n'a pas l'habitude), précipitez-vous sur ces deux albums, vous verrez, ils ont le don de nettoyer tout le stress que vous aurez pu accumuler, sur des textes crus et hargneux jamais stupides. En parallèle on s'intéressera aussi aux talents de dessinatrice de Hannah, dont les visages congestionnés de vieux hommes hurlant ou de sexes masculins sont pour le moins réussis. Un seul vrai regret : la Nouvelle-Zélande, c'est loin et ça sera difficile de les voir en concert, parce que ça doit être quelque chose.

L'actu du rock indé en décembre 2002

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En décembre 2002, l'actualité rock reste peu chargée, sans aucune sortie d'album marquante : on se contente de singles, et notamment de celui de The Knife, un duo suédois étrange et passionnant.

Décembre 2002 : 
- Premier Ministre : Jean-Pierre Raffarin
- France : Loi Lellouche contre le racisme et la négation des crimes contre l'humanité
- Monde : Mort de Joe Strummer, chanteur et guitariste des Clash, à l'âge de 50 ans
- Meilleures ventes de singles (en fond sonore !) : Star Academy, "Paris-Latino" / Las Ketchup, "The Ketchup Song (Aserejé)" / Johnny Hallyday - "Marie"

À l'écoute : 
- The White Stripes : Candy Cane Children
- The Knife : Heartbeats
- The Radio Dept. : Bad Reputation
- R.E.M. : Jesus Christ
- Pearl Jam : Save You
- The All-American Rejects : Swing, Swing
- Oneida & Liars : Rose and Licorice
- Death From Above 1979 : Do It!
- Merzbow : Clouds



L'actu du rock indé en décembre 1997

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En décembre 1997, le rock se cherche un peu : le grunge dépérit et une nouvelle scène voit le jour. Unwound fait partie des "entre-deux" et sort alors son meilleur album.

Décembre 1997 : 

- Premier Ministre : Lionel Jospin
- France : Des chômeurs occupent les ASSEDIC partout en France
- Monde : Conférence des Nations unies sur l'effet de serre à Kyōto
- Meilleures ventes de singles (en fond sonore !) : Florent Pagny, "Savoir aimer" - Aqua, "Barbie Girl" - Alliage & Boyzone, "Te garder près de moi"

À l'écoute : 

- Pearl Jam : Given to Fly
- Radiohead : Lucky
- Unwound : Mile Me Deaf
- Kyuss / Queens Of The Stone Age : If Only Everything
- 16 Horsepower : For Heaven's Sake
- Monolake : Macau
- New Found Glory : Shadow
- Clutch : Impetus

Unwound

L'actu du rock indé en décembre 1992

À propos > 1990 > 1991 1992 > 1993 > 1994



En décembre 1992, Noir Désir devient le groupe de rock français le plus important grâce à un morceau enragé et époustouflant, "Tostaky".

Décembre 1992 : 

- Premier Ministre : Pierre Bérégovoy
- France : Adoption d'un texte annulant les procédures de licenciement non accompagnées de plan de reclassement
- Monde : Démantèlement de la Tchécoslovaquie
- Meilleures ventes de singles (en fond sonore !) : Jordy, "Dur dur d'être bébé !" - Anaïs et Didier Barbelivien, "Les mariés de Vendée" - Michael Jackson, "Heal The World"

À l'écoute : 

- Morrissey : Certain People I Know
- Television Personalities : You're Younger Than You Know
- Noir Désir : Tostaky
- Sonic Youth : Youth Against Fascism
- Catherine Wheel : 30 Century Man
- Girls Against Boys : Taste All The Fruit
- Pearl Jam : Oceans
- Alice in Chains : Angry Chair
- Dazzling Killmen : Numb


Noir Désir

Sexy Sushi, un hymne à la vie

Voici une vieille chronique (2018) écrite d'une traite, un peu brouillonne et que je viens de retrouver au fin fond d'un dossier oublié... plutôt que de la jeter à la corbeille autant la publier, même si personne ne la lit jamais.


L'actu du rock indé en décembre 1987

 À propos > 1985 > 1986 1987 > 1988 > 1989




En décembre 1987, peu de nouveautés à se mettre sous la dent.... mais quelles nouveautés, à commencer par un nouveau single de New Order, un autre de Depeche Mode et un 3e des Smiths !

Décembre 1987 : 

- Premier Ministre : Jacques Chirac
- France : Début des travaux du tunnel sous la Manche
- Monde : Israël, première Intifada
- Meilleures ventes de singles (en fond sonore !) : Guesch Patti, "Etienne" - Los Lobos, "La Bamba" - Gispy Kings, "Bamboleo"

À l'écoute : 

- New Order : Touched by the Hand of God
- Depeche Mode : Behind The Wheel
- The Smiths : Stop Me If You Think You've Heard This One Before
- Game Theory : Not Because You Can
- The Durutti Column : When the World
- The Sound : Iron Years
- Dinosaur Jr. : Little Fury Thing




L'actu du rock indé en décembre 1982

 À propos > 1980 > 1981 1982 > 1983 > 1984




En décembre 1982, les looks gothiques commencent à s'imposer dans un paysage musical teinté de couleurs noires, comme par exemple avec Southern Death Cult, futurs The Cult, qui sortent leur premier et dernier single...

Décembre 1982 : 

- Premier Ministre : Pierre Mauroy
- France : « loi Auroux » relative aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail
- Monde : Première greffe d'un cœur artificiel à titre définitif aux États-Unis
- Meilleures ventes de singles (en fond sonore !) :  Dorothée, "Hou ! la menteuse" - Jean-Jacques Goldman, "Quand la musique est bonne" - Captain Sensible, "Wot!"

À l'écoute : 

- The Southern Death Cult : Moya
- Voodoo Church : Eyes (Second Death)
- The Church : A Different Man
- Psychic TV : Just Drifting
- Chris & Cosey : Cowboys in Cuba
- The Legendary Pink Dots : Red Castles
- Big Black : Dead Billy
- The Prisoners : Better in Black
- Riistetyt : Protest and Survive




L'actu du rock indé en décembre 1977

À propos > 1975 > 1976 1977 > 1978 > 1979 > suite



En décembre 1977, les punks se sont bien installés dans le paysage musical et ils squattent tous les charts. Mais, déjà, une nouvelle musique voit le jour. Suicide sort son premier album, qui ne ressemble à rien d'autre.

Décembre 1977 :
  • Premier Ministre : Raymond Barre
  • France : Inauguration officielle du RER
  • Monde : Sacre de l’empereur de Centrafrique, Bokassa Ier
  • Meilleures ventes de singles (en fond sonore !) : Sheila & B. Devotion, "Love me baby" - Boney M, "Belfast" - Michel Sardou, "La java de Broadway"
À l'écoute : 
  • Talking Heads : Psycho Killer
  • Suicide : Ghost Rider
  • The Rezillos : (My Baby Does) Good Sculptures
  • Alternative TV : How Much Longer
  • Neon Hearts : Regulations
  • Marie & Les Garçons : Rien à dire
  • Plastic Bertrand : ça plane pour moi
  • Penetration : Don't Dictate
  • The Boomtown Rats : Mary Of The 4th Form
  • Wire : Pink Flag
  • Eddie & The Hot Rods : Do Anything You Wanna Do



Chronique : Congregation, de Witch Fever

Ça faisait déjà un bon moment que l'on surveillait du coin de l'oeil ce quatuor de jeunes filles de Manchester, très lookées "gothiques", avec une chanteuse en apparence possédée. Alex, Alisha, Amy et Annabelle, rien que des A, comme la note que l'on donnera à cet album, ont sorti deux singles et un mini-LP depuis 2018, et voici enfin leur véritable premier album, "Congregation", plus noir et désespéré que jamais.

Ne vous fiez cependant pas au look, même si l'on sent bien à plusieurs reprises des ambiances que n'aurait pas renié UK Decay, pionnier du rock gothique, et inventeurs du terme bien malgré eux, quand celui-ci était encore bourré d'influences punk hargneuses et enragées.

Witch Fever est classé sur divers sites web dans le punk/grunge, terme bien réducteur car le son des guitares ne fait pas tout. Grunge, bof, parlons plutôt de noise, de riot grrrls ou d'un rock féministe énervé à la Hole ou Babes In Toyland, avec donc cette tendance death-rock très marquée.

Mais peu importe au final : Witch Fever réussit à s'imposer dans un genre pas encore trop répandu (coucou aux françaises de SheWolf) avec un album obsédant et sacrément bien foutu qui fait qu'on y revient même sans s'en apercevoir.


(Chronique également publiée sur premo.fr)






Chronique : Stompwork, de Dry Cleaning

 Ce deuxième album de Dry Cleaning était très attendu après le battage médiatique (relatif, certes) qu'il y eût autour du premier. Rappelons que Dry Cleaning renoue avec un genre un peu oublié, le "funk-punk", "disco-punk", "groovy-post- punk" ou quelque soit le terme qu'on voudra bien lui donner. Mais on le sait, le cap du second album est un cap difficile, les musiciens devant souvent se remettre en question rapidement, sans avoir le temps de faire mûrir leurs morceaux, comme c'est le cas pour tous les premiers disques.

Celui-ci gagnera donc sûrement à être apprécié après plusieurs écoutes, la faute à sa complexité et au chant parlé de Florence Shaw qui s'avère ici un peu agaçant. Ok, la mode dans le post-punk "2.0" est à ce type de chant, mais il faut savoir doser le côté monocorde et l'émotion. Trop de monocorde tue le monocorde !

Malgré tout, la qualité des compos est assez bluffante : ça part dans le simili-jazz et autres musiques "évoluées" (attention à ne pas aller trop loin non plus), déjà inaugurées par Squid, Black Country New Road ou black midi, des jeunes groupes qui font frémir les critiques rock intello-snobinards qui se gargarisent de culture élitiste. Moins groovy que le premier album donc, avec pour résultat des ambiances assez étouffantes, le chant y étant pour beaucoup.

Peu d'énergie, quasiment pas même (ne parlons évidemment pas de gaîté ou de coolitude), et pour un peu on se ferait carrément chier si ce n'était l'inventivité et le talent des musiciens. Un bon album donc, bien qu'en deçà du premier, et surtout, attention à ne pas se laisser aller à la tentation de la démonstration, il y aurait vite risque de perte d'âme.




Chronique : Excess, par Automatic

 Sous le soleil de Los Angeles, Californie, on croit imaginer la musique qu'écoute la jeunesse : du punk mélodique, casquette à l'envers et skate board ou planche à voile sous le bras pour aller rejoindre les potes au bord de la plage. Eh bien, on aura foutrement tort. Automatic est un trio de jeunes filles glaciales comme la mort (Halle Saxon à la basse, Izzy Glaudini au chant et synthés, Lola Dompe à la batterie -il n'y a donc pas de guitare) qui jouent une musique minimaliste, répétitive, morne et lancinante que n'auraient pas reniés leurs aînés, ceux qui traînaient leurs guêtres du côté de Manchester en 1980 : Joy Division, qui passeraient pour des énervés en comparaison, Crispy Ambulance, Section 25 et le côté belge, signés sur Factory Benelux, comme les Minny Pops notamment, leurs pendants masculins. On comprendra peut-être mieux leurs influences en signalant que Lola n'est autre que la fille et la nièce des frères Haskins, membres de Bauhaus et quasi-inventeurs du mouvement gothique.

Alors, allez-vous me dire, dépressive, la musique de Automatic ? Pas tant que ça : un "Venus Hour" par exemple ferait presque penser aux punkettes suissesses de Kleenex/Liliput ; un "Automaton" lorgne sans vergogne du côté du premier Depeche Mode ; un "NRG" assume son petit côté Fad Gadget tordu… Et la force de leur musique, c'est que si elle fait penser à tous les précités, qu'elle les frôle en permanence et qu'on à chaque coin de note on est à deux doigts de lancer un Jje le savais, c'est une copie de truc ou de machin", elle ne nous donne jamais cette (in)satisfaction bien "boomer".

La musique d'Automatic reste toujours profondément originale, fatras d'influences digérées à merveille et surtout très en phase avec la merveilleuse année 2022, aussi excitante que le furent les cinq ou six précédentes. Merci Trump, merci Poutine, merci Macron, merci Boris Johnson, on vous doit beaucoup et prenez ça dans la gueule. Le deuxième album d'Automatic s'appelle "Excess" mais le seul excès qu'il possède, c'est celui de la qualité. Dans le top 10 de 2022, forcément.


(chronique publiée sur premo.fr)


Chronique : Bob Vylan Presents The Price Of Life, par Bob Vylan

Précisons tout d'abord que si tout le monde parle de Bob Vylan à la première personne, ils sont en fait deux : Bobby Vylan et Bobbie Vylan. La nuance étant un peu compliquée on restera au singulier. Donc : Bob Vylan a un nom aussi rigolo que son message ne l'est pas.

Depuis trois ou quatre ans, il fait beaucoup parler de lui pour sa virulence et son intransigeance (il n'hésite pas par exemple à s'habiller en Fred Perry en mettant bien en avant la marque dans une de ses dernières vidéos - Fred Perry est habituellement une marque adoptée par les fachos).

Après une multitude de EPs et un premier album en forme de coup de poing dans la gueule, voici venu le second album, dont on ne doutait pas qu'il poursuivrait son combat contre le racisme, le capitalisme, la misère sociale et la dénonciation des dérives de la Grande-Bretagne ou plus généralement des valeurs de l'Occident. Son punk industriel mêlé de grime et de hip-hop enragé, son cynisme et ses paroles choc - d'aucun diront qu'il est très inspiré par les Sex Pistols, peut-être à cause du single "Lynch Our Leaders" (lynchons nos leaders) illustré de la tête de la Reine - font mouche à chaque fois.

Chaque titre donne envie de hurler avec lui, de vider ses frustrations en levant son poing et de sortir dans la rue pour manifester son ras-le-bol. Mais Bob Vylan n'est pas juste un punk bourrin et teigneux, c'est aussi un vrai musicien qui connaît ses racines (le reggae-dub Health Is Wealth) et sait s'arrêter de hurler pour évoluer dans des contrées proches de celle de Tricky (Must Be More) avec des titres brillants d'intelligence et de variété.

Bob Vylan ose ce que beaucoup n'osent pas (plus), il est le parfait exemple d'une colère qui sommeille depuis trop longtemps en chacun de nous, mais que lui arrive à exprimer simplement et efficacement, avec un talent fou.

Disons-le tout net, "Bob Vylan Presents The Price Of Life" sera un album essentiel de cette sortie de pandémie, un objet qui aide à panser ses plaies mentales, salvateur et positif, pour que chacun soit motivé et prêt au combat, et pas seulement en Angleterre (suivez mon regard).





"Station Eleven", la série qui fait du bien là où ça fait mal

Je n'ai pas lu le bouquin dont elle est tirée, mais cette série est l'une des meilleures du moment, hyper originale, avec de la poésie, de la sensibilité, de l'humour, de la mélancolie, du suspense et surtout beaucoup beaucoup de dérision et d'absurde, de surréalisme et de folie douce... rien à voir en tout cas avec ce à quoi on peut s'attendre sur le sujet : une pandémie mondiale qui éradique la majorité de l'humanité ! Ce n'est pas un énième survival où tout le monde passe son temps à s'entretuer pour survivre, pas du tout, même si cela n'est pas écarté totalement.

Peut-être est-ce dû au fait qu'ils l'ont tournée pendant la vraie pandémie, je sais pas, mais tous les acteurs sont excellents, à commencer par McKenzie Davis (si j'étais ado, je mettrai son poster dans ma chambre) et sa version plus jeune, et Himesh Patil, constamment éberlué par tout ce qui l'entoure. De fait tous les personnages sont complètement barrés et très attachants.

La chronologie narrative aussi, qui explore toutes les périodes avant, pendant et après, parfois sur des jours, parfois sur des heures, parfois sur des années, avec ces trois points centraux, l'un qui lie les principaux individus entre eux, l'autre qui tourne autour d'un Comics de SF, et le troisième qui parle de théâtre, tout ça donne un résultat unique d'une rare intelligence, avec des idées qui foisonnent à la pelle...

Si vous aviez aimé The Leftovers, alors vous devriez apprécier Station Eleven, dont on retrouve pas mal d'ingrédients, avec en filigrane ce sentiment bizarre de désespoir absolu mêlé à une profonde affection pour chaque personnage, même les "méchants", qu'on arrive à comprendre et à aimer.

En résumé, c'est le genre de série qu'on a du mal à quitter tant on sait que l'on va se sentir orphelin quand elle sera terminée, de celles dont on se souvient des années après avec une émotion toute particulière, comme si on avait été concerné directement, comme si on avait participé à cette histoire et connu ses personnages.

Un grand disque oublié : Droom Mix, le projet solo de l'ex-Thugs Christophe Sourice

 Le temps qui passe est une tragédie sans nom quand on arrive à un certain âge. Il passe, on le constate, et en passant il détruit tout sur son passage, comme la vague du tsunami, sans faire de détails : les joies, les peines, tout ce qui a été et tout ce qui a compté. Restent alors les souvenirs, mais même ceux-ci s'effacent, peu à peu.

En admettant que vous ayez connu Les Thugs (Eric, Christophe et Piwai Sourice, les frangins, + Thierry Meanard, sans oublier Gérald Chabaud au début) du temps de leur existence, et vu qu'ils se sont séparés en 1999 (je mets de côté la reformation passagère de 2008), quel âge avez-vous ? Si vous en aviez 15 en 1999, alors vous en avez 38 aujourd'hui, ce qui commence à faire, pas vrai ? Et je ne vous raconte pas si vous les aviez connus à 25 ans en 1987 (heureusement ce n'est pas mon cas, je suis beaucoup plus jeune puisque je n'avais que 21 ans à ce moment-là)...

Bref. Après les Thugs, on croit tous qu'il y a eu LANE (Love And Noise Experiment), qui a ravi nos sens ces quatre dernières années grâce à leurs deux albums et un EP (avec Eric, Piwai et Piwai junior alias Félix, + deux ex-Daria), jusqu'au split d'il y a deux mois. On oublie que les trois frangins ont tenté de poursuivre l'aventure quelques temps, même si elle n'a pas duré très longtemps.

Eric et Piwai ont joué dans Jive Puzzle avec Frank Bergère, Philippe Gohard et Gilles Théolier), un groupe un peu trip-hop, un peu jazzy, un peu psychédélique, et l'expérience était plus que réussie, mais le registre musical, tranquille et un peu cotonneux, trop éloigné du mur du son des Thugs, a laissé indifférent un public qui était passé à autre chose, ou qui n'avait peut-être pas compris de quoi il s'agissait. Jive Puzzle a bénéficié de quelques lignes dans la presse, de ci-de là, et seuls les fans hardcore ont su qu'un disque existait ("Where Is Love ?" en 2004). Petit écho donc, mais minime.

Christophe, lui, ne s'était entouré de personne (enfin si, mais à peine), et il avait tenté le disque solo en 2001, une expérience qui peut lancer une nouvelle carrière pour un artiste, ou s'avérer casse-gueule par manque d'inspiration, la magie de la musique créée par certains individus entre eux disparaissant dès lors que l'un venait à manquer.


Droom Mix, le nom de son projet solo comme celui de l'album, ne fait partie ni de l'un ni de l'autre : le disque n'eût pas de suite (allez si, un deux titres en 2018, dix-sept ans plus tard et tout aussi brillant que celui dont il est question ici), mais il ne passa pas inaperçu à cause du manque de talent ou d'inspiration, bien au contraire. Alors pourquoi passa-t-il inaperçu, demanderez-vous ? Vingt ans après, impossible de le dire. La faute à pas de chance, l'absence de "marketing", ce mot dégueulasse qu'il faudrait supprimer de tous les dictionnaires, va savoir...

Bref, il m'aura fallu vingt ans à moi aussi pour enfin trouver ce putain de disque dont j'avais vaguement entendu parler il y a longtemps mais dont j'avais oublié jusqu'au nom. Merci à Patrick Foulhoux d'avoir rappelé son existence dans la bio des Thugs sortie il y a quelques mois !

Si l'on cherche bien sur Google, on verra que Les Inrocks avaient annoncé sa sortie, avec une tournée derrière, et sinon... rien. Deux vidéos de fan sur YouTube, quelques sites de vente de CD d'occasion, basta. Même sur des serveurs comment dire... pas très légaux... rien.

Malgré mes super-compétences de fan hardcore de rock indé depuis trente ans, du proto-punk des Stooges au post-punk 2.0 des Idles, toujours à l'affut d'une nouveauté, plongé là-dedans depuis quarante ans, même moi, donc (ah tiens mes chevilles enflent) j'étais passé à côté.

Alors je ne vais pas vous décrire l'album de Droom Mix à la loupe en analysant les paroles et la musique à la loupe, je laisse ça aux journalistes rock modernes qui pondent des chroniques de disques ampoulées de trois kilomètres, mais juste vous dire que c'est un album formidable, digne héritier de la musique des Thugs, avec les guitares que vous aimez, même si les synthés et la boîte-à-rythmes, le chant souvent en français changent un peu la donne. Un album sacrément intelligent, bourré de sensibilité et d'émotions (pas très gaies c'est sûr, les paroles de "Alors" sont d'une tristesse absolue), d'inventivité, de créativité, de mélodies parfaites, bref de tout ce que j'ai toujours adoré dans les Thugs.

12 morceaux et 36 minutes indispensables à réhabiliter (rééditer ? si quelqu'un me lit) d'urgence.


A ne pas zapper, le deux-titres de 2018, "La Crise / Le mot de trop" :
https://slow-death.bandcamp.com/album/la-crise

PS : un doute terrible m'envahit : Droom Mix est-il sorti en 2001 ou 2007... ou les deux ? Les sources divergent...

Encore des zombies ! Faut-il regarder "All of Us Are Dead" ?

ATTENTION :
cet article est interdit à tous ceux qui regardent les séries étrangères en VF.
Il faut regarder les films et séries en VOSTFR !
(vous préférez une glace italienne achetée à Rome ou une glace à l'eau Carrefour ?)




"Encore une série de zombies ?" me direz-vous avec un ton légèrement exaspéré, doublé d'un rire amusé. Mais avec une légère envie, quand même, d'y retourner, je le sens bien... Et vous avez raison, depuis une bonne dizaine d'années on baigne dans les zombies, qu'ils soient en films ou en séries, sans parler des mangas ou des romans (rien encore en musique et en peinture mais ça ne saurait tarder.). Et avant ça, c'était les vampires ! Quelle époque.

Bref, "All of Us Are Dead" est la nouvelle série coréenne que tout le monde va vite vouloir s'arracher, médias mainstream en premier lieu, la Corée du Sud étant à la mode depuis "Squid Game" et "Parasite", c'est-à-dire fort peu de temps (alors que depuis une bonne dizaine, voire quinzaine d'années ce pays fournit un quota démentiel d'excellentes oeuvres cinématographiquo-sérielles). La série est tirée d'un webtoon à succès, il y aura donc forcément plein de fans "originels" qui vont gueuler (je les entends d'ici : "ouaaaais euuuuh c'est pas pareilleuuuu ils ont pas respecté ci ou çaaaaa"). Ok ok on a compris, je m'adresse à ceux qui, comme moi, ne connaissent pas le webtoon.

Difficile donc d'aborder une nouvelle série consacrée à l'apocalypse zombie sans s'attendre à du vu, du revu ou de l'archi-vu. The Walking Dead, par exemple, s'y est cassé les dents, car au bout d'un certain nombre d'années, une fois qu'on a vu des zombies en tout genre (enfants, adultes, vieux, bébés et même animaux) déchiqueter à belles dents un brave humain (héroïque, ou malchanceux, ou terrifié, ou bien fait pour lui), dans tous les endroits possibles et imaginables (une maison, une rue, un toit d'immeuble, des chiottes, sur un plateau-télé, dans un tribunal, à la cantine, en boîte de nuit, en bateau, en avion, à vélo, à la mer, à la montagne, à la campagne...), il semble difficile de réveiller le spectateur avec un peu de nouveauté. Ici, l'action se situe dans un lycée, avec quelques incartades en dehors. Mais c'est surtout dans le lycée, avec des lycéens (et donc les critiques ne manqueront pas d'affirmer qu'il s'agit d'une série pour ados, comme si un adulte ne pouvait pas comprendre ni apprécier).




"All Of Us Are Dead" n'échappe donc pas à l'écueil du déjà vu, mais cela n'est pas forcément synonyme de manque d'originalité. Alors on ne crachera pas pour autant dans la soupe, et cela pour plusieurs raisons :

  • les séries coréennes, tout d'abord (il faudra que je vous en parle plus en détail) sont différentes des autres.
    [ Parenthèse : chaque pays a sa façon de raconter des histoires : les Anglais un peu cheap mais avec des émotions fortes et une pointe d'humour so british, les Américains spécialistes de l'action mais avec des émotions gnan-gnan, les Français mauvais en tout, tout simplement, les Scandinaves avec de la neige et du froid et des crimes sordides, les Italiens avec pas mal de violence et de surréalisme et toujours un plat de pâtes, les Israëliens avec des militaires omniprésents et des soldats traumatisés... (allez je déconne c'était une caricature volontaire... quoique...) ]
    Elles sont différentes parce que toutes celles que j'aie pu voir, films compris (et ça commence à faire un bon paquet), mêlent grands sentiments exagérés (avec en général au moins un jeune enfant qui pleure à chaudes larmes), humour totalement crétin (voir par exemple ici l'épisode où les survivants, enfermés dans une salle de classe, débattent de la façon dont ils vont bien pouvoir faire caca ou pipi - on rit au moins une fois à chaque épisode) et surtout du gore absolument délirant, avec une violence qu'aucun autre pays n'osera de façon aussi crue et soutenue, sans oublier les codes sociaux de la société coréenne, omniprésents et souvent incompréhensibles pour un occidental.

  • les zombies coréens eux aussi sont différents des autres : ils se contorsionnent dans tous les sens, brisant leurs os avec des bruits forts désagréables et adoptant des postures grotesques assez effrayantes (on se demande comment font les acteurs, d'ailleurs).
  • Il y a dans "All of Us Are Dead" un véritable suspense avec pas mal de situations inédites et des rebondissements très bien foutus, où l'on sent une volonté de coller au maximum au réalisme de la situation (hormis les zombies, qui n'existent pas dans la vraie vie, le système de débrouille et de survie reste souvent très plausible, sans inventions scénaristiques grotesques).
  • le côté "Don't Look Up" (vous savez, le film avec Di Caprio en scientifique malheureux qui s'évertue à prévenir l'humanité de la fin du monde), bien présent même s'il aurait pu l'être un peu plus avec dénonciation de l'incurie des politiciens, militaires bien bourrins, dénonciation des réseaux sociaux et plus généralement de la grande misère intellectuelle de l'Homme moderne.

  • les états d'âme des personnages, tous assez fouillés et jamais caricaturaux (même si l'on retrouve, comme dans toute bonne série qui se respecte, le gentil, le méchant, le benêt, le gros, la salope, la midinette, la pauvre petite chose fragile, le loser... mais pas d'homosexualité ni de problématiques raciales, faut pas déconner on est en Corée), avec l'exploration de l'amitié, de la famille, des amours adolescentes, du harcèlement ou du suicide, bref la panoplie adolescente...

  • une invasion de zombies, qu'elle soit liée à un virus volontaire ou non ou au retour des morts sur la terre, que la contamination soit ultra-rapide ou lente, que les zombies soient rapides ou lents... ça plaît toujours ! 
  • (attention spoiler) il y a des gens qui ne deviennent pas vraiment des zombies, et même, on a ici la possibilité d'un remède, ce qui est assez rare dans les histoires de zombies, mais je ne vous en dit pas plus.



En résumé, "All of Us Are Dead", malgré ses douze épisodes de plus d'une heure et quelques rares longueurs (on ne s'ennuie cependant jamais), reste un plaisir coupable à déguster tranquillement dans son canapé.
Elle est similaire à un pot de Nutella : on s'en goinfre tout en sachant pertinemment que ce n'est pas très bon pour sa santé, mais on le fait quand même, et même on y revient régulièrement, sans scrupules. Alors ne boudons pas notre plaisir, d'autant que les séries de zombies sont trop rares pour qu'on les ignore. "All of Us Are Dead" pourra donc mériter quelques critiques, mais il est indéniable qu'elle ne mérite pas, simplement, qu'on l'ignore.

Procès en pédopornographie : faut-il encore écouter Nirvana ?

Spencer Elden, le bébé de la fameuse pochette dont on voit la zigounette sur "Nevermind", a grandi. Sans doute bien conseillé par un ou plusieurs avocats bien représentatifs de la justice à l'américaine, il a été débouté de sa première plainte pour pédopornographie, alors il remet le couvert.

Spencer Elden est un pauvre type. Pauvre, dans tous les sens du terme : pauvre type car il n'est pas riche et qu'il veut de l'argent (même si je suppute qu'il ne soit pas à la rue), pauvre type parce que les raisons du procès qu'il intente ne trompent personne hormis quelques illuminés et restent profondément méprisables -qui peut sérieusement croire que Nirvana ait imaginé une seule seconde qu'ils faisaient "de la pédopornographie"-, pauvre type car tout ça lui a fait péter un câble, et qu'il n'est finalement lui-même qu'une victime d'un succès monstrueux qui a dépassé tout le monde, à commencer par Kurt Cobain, Chris Novoselic et Dave Grohl.



Mais on ne va pas s'appesantir sur Elden ou la supposée pédopornographie de la pochette (j'avoue, mon titre est un peu racoleur, il n'y a même pas lieu à débat pour moi). La vraie question, c'est "faut-il encore écouter Nirvana en 2022, 30 ans après" ? N'y aurait-il pas d'autres groupes dignes d'intérêt ? 
Tentons d'y répondre. Ces dernières années, j'ai pu m'offrir trois T-shirts de Nirvana (je suis resté très gamin malgré mon âge vénérable), l'un avec le smiley bien connu, deux autres avec des reproductions d'affiches de concerts. Ce n'était pas bien difficile, ils en font plein chez Kiabi (le magasin des ploucs) et pas bien chers non plus, genre 5€ (normal c'est le magasin des ploucs bis).
J'aurais aussi pu m'acheter un T-shirt Ramones, d'ailleurs, sans parler d'AC/DC, des Rolling Stones, qui sais-je encore. Le phénomène a commencé dès le lendemain de la mort de Kurt Cobain, peut-être même était-il encore vivant, d'ailleurs. 

Je pense même que c'est -en partie- à cause dudit phénomène que l'idole des jeunes grunges a décidé de se tirer une balle. La drogue évidemment, tout le monde le sait, l'a aidé à accomplir son geste. Cobain souffrait de l'estomac depuis des années et c'est pour cela qu'il avait commencé à se shooter, pour oublier la douleur, puis pour tenir le choc face à la célébrité, à la pression médiatique et aux tournées épuisantes.
Comment voulez-vous qu'un brave type puisse affronter un tel succès sans un moral d'acier ? Lui qui était fragile psychologiquement, et "tellement seul" comme l'a dit il y a encore peu Dave Grohl...

Mais ce n'est pas l'objet de ma réflexion. Donc, dès mai 1994, on voyait des gamins avec des T-shirts Nirvana ou, mieux, "Kurt Cobain", avec sa tronche en grand et son rimmel sous les yeux. Je me souviens de la première fois où j'en ai vu un, sur un môme de 14 ans qui manifestait le deuil de son idole de cette façon, cela m'avait profondément dérangé.

Quatre ans plus tôt, comme tout le monde, j'avais entendu à la radio, dans l'émission de Bernard Lenoir, la seule en France sur grandes ondes qui permettait d'écouter autre chose que de la daube FM, le fameux Smells Like Teen Spirit.

Quand on n'a pas vécu ça, on imagine mal la déflagration que cela a représenté, un peu comme Anarchy In The U.K., enfin je pense (ça, je n'y étais pas). Tu es là, peinard, en train d'écouter de la musique et de prendre des notes (moi j'avais un petit agenda ou des bouts de feuilles et je mettais des étoiles, de 1 à 5, à tout ce qui me semblait intéressant) quand soudain il y a cette intro à la guitare, puis ce truc que tu te prends en pleine gueule, avec ce chant écorché et cette rage absolue qui te laisse pantois, abasourdi. Tu mets tes cinq étoiles et tu soulignes de trois traits épais, puis tu entoures trois fois le nom du groupe, "Nirvana", en te disant qu'il faut que tu trouves ça immédiatement au disquaire du coin.

La suite, on la connaît. Quelques mois plus tard, j'ai eu la chance de rencontrer les trois membres du groupe pour interviewer Krist Novoselic, le bassiste, avant de saluer le sieur Cobain, juste un salut rapide et de pure forme, mais je me souviens de son regard, de ses yeux bleus, et c'est la première fois, et la seule, de toute ma vie, où j'y ai vu une telle douceur et une telle sensibilité. Vraiment. Et à l'époque, il n'était ni mort ni célèbre (enfin, ça commençait). Si j'avais été une fille, j'en serais tombée immédiatement amoureuse, c'est sûr, mais en tant que mec j'avais juste envie d'en faire mon pote, on se serait bien entendus.

Nirvana a bouleversé le paysage musical comme l'avaient fait les Sex Pistols. Certes, ils n'étaient pas tout seuls, et ils n'étaient pas non plus les premiers, mais c'est leur succès qui a permis a toute une multitude de groupes de se placer dans leur sillage et de conquérir le monde. Quand on se souvient que les maisons de disques américaines envoyaient partout en France de la promo pour les Cows, Prong ou Fudge Tunnel, des groupes quasi-inaudibles pour monsieur-tout-le-monde, on croit rêver.

Nirvana représente le dernier sursaut d'indépendance avant que l'industrie musicale cesse de tolérer ces fouteurs de bordel qui risquaient de s'enrichir à leur place. Cobain les appelait fort justement "les goinfres". Le blondinet enterré, la vague "grunge" allait vite s'effondrer, et très vite les goinfres reprendraient la main. C'est qu'ils n'allaient pas se faire avoir une deuxième fois. Le punk les avait déjà bien mis à mal avec la naissance des labels indépendants et des radios libres, le grunge n'allait pas imposer sa liberté écœurante dans le système de l'économie du loisir pour jeunes. Et d'ailleurs, le terme de "rock indépendant" ou "indie rock" a commencé à disparaître à cette époque.


La bonne idée, c'était de vendre de la rébellion en supermarché : jeans troués à l'avance, Converse inondant le marché et transformant cette chaussure de clodo en objet cool et hype, T-shirts évidemment on l'a vu, chemises-bûcheron "garanties comme à Seattle", sans parler des objets dérivés et surtout d'une diffusion des disques reprise en main par de vrais gros labels rachetant les petits qui cédaient souvent pour survivre, croyant aux promesses d'une indépendance conservée. Ce serait à eux de décider, plus aux groupes. Avec un paquet de biffetons, on fait ce qu'on veut, pas vrai, c'est historique et universel ! Le comble de l'horreur sera vite atteint avec Stiltskin, groupe monté de toutes pièces pour faire un gros tube de radio, avec un chanteur clone de Kurt Cobain. D'autres petites choses immondes comme Nickelback suivront. Au moins, les copies conformes de Nirvana d'aujourd'hui le sont en hommage, pas par calcul financier (quoique).

Alors oui, il faut continuer à écouter Nirvana. Parce qu'ils sont à la fois le symbole du dernier gros doigt tendu aux goinfres, mais aussi celui de l'échec cuisant de la liberté artistique. Depuis 1994, a-t-on connu un tel vent de liberté dans la musique ? On a eu la techno et ses raves, qui était déjà un peu là et qui restait plus ou moins indépendante mais qui, tellement renfermée sur elle-même, ne gênait finalement pas grand monde, et on a aussi eu le rap, mais celui-ci a été récupéré encore plus vite que le rock, transformant les rebelles Noirs des banlieues pauvres en gros cons machos fiers de leurs Ray-Ban à 1000€, de leurs bagnoles de sport luxueuses et de leurs conquêtes féminines réduites à l'état de putes. 

Oui, cent fois, mille fois oui, il faut encore et toujours écouter Nirvana, symbole de liberté, de pureté et d'indépendance mais aussi pour ne jamais oublier que leur récupération est un exemple des dérives d'un capitalisme cynique et impitoyable qui n'hésite pas à détruire des individus ("Rape me", chantait Cobain, on ne se demande pas pourquoi).

Symboliquement il le faut donc, mais artistiquement il le faut aussi. C'est l'album "Nevermind" qui tire son épingle du jeu, ce qui est logique car c'est l'album le plus mélodique, le plus abordable, conçu par un petit groupe sans prétention qui n'imaginait pas une seconde que son disque allait conquérir le monde, et dans lequel ils avaient mis toute leur colère et tout leur talent sans arrière-pensées. "Bleach", le premier, sorti en 1989, a sans doute mal vieilli et reste le symbole d'un genre obscur, entre métal, punk et indus, brutal et sombre, réservé aux amateurs du genre. Et "In Utero" le dernier, malgré sa proximité avec "Nervermind", reste un disque créé par un groupe qui voulait se détacher de son succès et revenir à une musique plus dérangeante, destinée à emmerder les braves gens : il ne possède pas la colère naïve de "Nevermind".

Il faut non seulement continuer à écouter Nirvana, mais souhaiter un retour similaire d'un tel phénomène, sous une forme ou une autre, musicale ou artistique, pour briser le carcan étouffant de l'art tout entier aujourd'hui, dont la moindre anicroche est immédiatement transformée en produit assimilable en grandes surfaces, sans qu'aucun des porcs qui la récupèrent n'ait peur pour son compte en banque.

C'est reparti

J'ai décider de relancer ce blog ! En me relisant je me suis dit que, quand même, c'était pas si mal ce que j'y avais écrit, même si pas grand monde ne lisait tout ça.

J'essaierai de publier régulièrement les podcasts consacrés à l'actualité "à rebours" : chaque semaine, un podcast de 20 minutes environs présentant 5 ou 6 titres sortis pile poil il y a 30, 35, 40, 45 ans. Il faut juste faire l'effort de cliquer pour entendre ma douce voix et faire vibrer la fibre nostalgique. J'en ai profité pour remettre quelques notes, antidatées comme celle consacrée à New Order.

Je n'ai pas la prétention de parler de toutes les formes de rock, alors je me cantonne à celui que j'ai aimé et écouté, sur lequel j'écris depuis 1989, d'abord dans des fanzines... :

  • le Kissing Booklet consacré à Cure,
  • puis Decades, mon propre fanzine consacré... au passé du rock, tiens donc - seulement 2 numéros,
  • enfin Prémonition, premier fanzine de France  de 1990 à 1996 disons, distribué dans toutes les FNAC notamment, ensuite sur le web et aujourd'hui qui vit tranquillement),
... ensuite en écrivant un livre sur l'histoire du mouvement punk et du début du post-punk : "Génération Extrême, 1975-1982 du punk à la cold-wave" paru en 2005 chez Camion Blanc.
Aujourd'hui la rédaction de la suite est entamée, elle concernera la période 1988-1994, puisse un gentil éditeur concrétiser ce projet quand il sera terminé (faut que je me bouge).

Si vous voulez connaître mon parcours musical (on sait jamais, j'ai toujours rêvé d'être une célébrité), je vous invite à lire la note de mars 2018 concernant L7.